Le coureur de la Française des Jeux Eric Leblacher, vainqueur d’une étape de l’Etoile de Bessèges en début d’année, arrêtera sa carrière professionnelle l’an prochain, tandis que Marc Madiot lui proposait une prolongation de contrat. Explications sur une drôle de décision, à 29 ans.

Comment en es-tu arrivé à cette décision d’arrêter ta carrière ?
C’est l’issue d’une réflexion de huit mois donc cela n’a pas été pris à la légère. Ce n’est pas lié au dopage ou quoi que ce soit comme j’ai pu le lire parfois. Ce n’est pas lié à une forme de lassitude.
Pour résumer les choses, il s’agit de donner un nouveau sens à ma vie. Je fais du vélo par passion, par amour du sport et non par appât du gain. Je n’ai jamais espéré non plus être un grand champion. Ceci dit, la passion du vélo demeure l’amour de la compétition aussi.
L’année prochaine je vais encore faire des cyclosportives, du cyclo-cross, donc j’aurai toujours l’essentiel des bonnes choses du monde des pros. Je m’entraînerai toujours sous la pluie ! Je vais juste pratiquer un peu différemment, mais dans ma tête je vais rester cycliste. Faire cinq ans d’années professionnelles, ça me va ! Maintenant j’ai envie de faire autre chose. Quand on est cycliste pro, on est dans une bulle, sur des rails. C’est une vie parallèle qui me coupe de beaucoup de choses que j’ai envie de vivre.
Il y aussi la reconversion professionnelle dont on ne s’occupe pas alors que les années passent et que c’est un passage important.

« BEAUCOUP DE COUREURS N’OSENT PAS ARRETER »

On peut être étonné que tu t’arrêtes alors que tu cours dans le Pro Tour, tandis que l’an passé tu as beaucoup galéré pour trouver une équipe.
Beaucoup me disent ça. Je ne me sens pas prisonnier des conventions, il n’y a pas de règles. A mon sens, le fait même qu’on m’ait proposé un contrat est paradoxalement une raison de plus pour stopper. Je préfère arrêter quand je marche bien, quand je ne suis pas aigri du milieu. On ne me met pas à la porte non plus, puisque Marc Madiot me proposait deux ans avec une augmentation.
Le critère financier est rentré dans la réflexion. Une vie réussie ce n’est pas forcément gagner de l’argent. Je sais que je ne retrouverai jamais le salaire que Marc me proposait pour 2007, bien qu’il ne soit pas astronomique.
En huit mois j’ai eu le temps pour ça…Même lorsque j’ai gagné à Bessèges je savais que j’allais arrêter l’année suivante. Je ne dis pas que j’arrête ma carrière, c’est juste la fin de ma carrière professionnelle. Si je gagne le cross du coin ce sera une victoire dans ma carrière. Je suis très heureux d’être professionnel et je suis très heureux d’arrêter d’être professionnel.

Comment ont réagi les autres coureurs ?
On en parle beaucoup avec les autres coureurs. Beaucoup me disent que j’ai pris la bonne décision. Ils me disent : « j’y réfléchis des fois mais j’ai pas le courage. » Ils n’osent pas arrêter en raison du salaire. Tu sens chez beaucoup de coureurs qu’ils vont à l’usine, au boulot. Moi je n’ai pas l’impression d’avoir bossé pendant 5 ans.

« LE DOPAGE NE PEUT PAS DISPARAITRE DU CYCLISME »

Cinq ans après tes débuts chez les pros, ta perception du milieu a-t-elle changé ?

J’ai le même rêve, je n’ai pas été déçu. Je ne suis pas aigri du tout. Je l’aurais été si j’avais arrêté l’an dernier, quand j’ai été viré du Crédit Agricole (son contrat n’a pas été reconduit, ndlr)
Le dopage me touche forcément quand je suis largué sur certaines courses. Mais pas de près car cela ne m’a pas empêché de gagner des courses si j’en avais la possibilité. Sur les courses du plateau français, tu peux gagner sans charger. Et je pense qu’il y a zéro dopage à Bessèges, au Tour de l’Ain, etc… Il ne faut pas se leurrer : si tu ne peux pas t’exprimer là, c’est que t’as pas la patte.
Le dopage ne me touche pas d’aussi près que Sandy Casar qui fait 6e du Giro. Ceci dit, même si cela a diminué en France, on en parle toujours autant ! Nous en parlons tout le temps à table. Le moindre mec qui fait une performance est soupçonné, même moi à Bessèges. Je crois toujours qu’on peut gagner une étape de la Vuelta en étant propre.
Je suis sûr d’une chose : le dopage ne sera jamais éradiqué dans le vélo. C’est impossible. Il est possible que les équipes deviennent propres, comme le fait la Française des Jeux par exemple, où je mettrais presque ma main à couper que personne ne se dope.
A la FDJ, si il y a un cas de dopage, la boutique ferme et tout le monde au chômage. C’est dans le contrat de sponsoring. Marc nous dit donc : « Vous êtes le patron de tout le monde. »
On voit que les instances font le maximum. La Société du Tour se bat énormément contre le dopage. Cette chasse aux dopés coûte cher, ils font le maximum, vraiment. Mais seule chose qui fait peur aux dopés, c’est la vraie police. La formule doit être dopé = radié. Exclu du circuit, terminé, le médecin, pareil, le directeur sportif, pareil.

Quels sont tes projets de reconversion professionnelle ?

Je pense rentrer dans l’administration territoriale, dans une mairie. J’aimerais rentrer à la ville de Meaux, donc j’irai rencontrer les personnes en temps voulu. Pour l’instant je n’ai aucune garantie d’embauche, contrairement à ce qu’avait écrit Reuters.
Je veux un contact direct avec les gens, peut–être le domaine culturel, associatif, sportif. J’aime bien les paperasses !

Clément Guillou
Cyclismag.com (2006-08-14)

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