En terminant deuxième Français du Tour d’Espagne, Eric Leblacher a encore marqué les esprits par son courage, sa persévérance et son esprit hautement collectif. Mais à 28 ans, le sociétaire de La Française des jeux a décidé de mettre un terme à sa carrière pro malgré un prolongement de contrat proposé par Marc Madiot.
Décision surprenante? Pas tant que cela en écoutant Eric, soucieux de s’investir dans une autre vie. Un acte courageux mais réfléchi qui colle avec les aspirations de cet homme pondéré et désireux de découvrir d’autres horizons.

Vous sortez d’un bon Tour d’Espagne, vos impressions ?
Je suis content de ma 33è place. J’ai été constant avec une bonne dernière semaine. J’ai bien fini avec les arrivées au sommet. C’est mon premier grand Tour que je finis et il était important pour moi de savoir que je pouvais ainsi le finir.

Une manière de tirer votre révérence au milieu pro ?
Non, mais cela rajoute encore plus de valeur à ma décision prise définitivement en juillet. Mais attention, je n’arrête que ma carrière pro, pas le vélo. J’ai été pro 5 ans. C’est super. J’ai apprécié et je ne suis en rien rancunier ni aigri. Je tourne une page car je ne voulais pas mettre trop de ma vie dans ma carrière cycliste. Une vie se gère sur du long terme, la carrière n’étant qu’un épisode de celle-ci.

Cela veut dire que vous avez accompli vos rêves d’enfant?
(Songeur). Disons qu’il me manque un Tour de France. Cela est passé tout près cette année. Sur les vingt-sept coureurs, il n’y avait de la place que pour neuf. J’étais le 10è après une blessure. Mon rêve c’est d’avoir évolué dans des grosses formations comme le Crédit Agricole et la Française des Jeux. Le rêve est devenu réalité au fil de ces cinq années.

Que vous a apporté ce métier?
Des rencontres. J’ai appris à respecter les autres en partageant la vie en collectivité avec des cultures différentes. Le plus important, c’est le goût de l’effort et cela va servir dans ma nouvelle vie. Quand on se bat tous les jours dans un peloton de cent cinquante bonhommes on devient plus fort, plus sûr de soi. Quand dans la montagne, tu te retrouves seul, qu’il pleut, sans aide et sans K-way, tu as le temps de serrer les dents.

Le cyclisme est-il vraiment le sport le plus dur?
C’est dur pour tout le monde, du coureur départemental au pro. A la limite, c’est presque plus facile pour nous. C’est un sport populaire et malgré toutes les affaires, le public est conscient de l’effort que cela demande. Mais nous n’avons pas le droit de nous plaindre.

Dans ce milieu sérieusement gangrené, comment avez-vous fait votre métier?
Uniquement avec la notion de plaisir. Je l’ai rarement considéré comme un métier mais comme un sport avant tout. Je suis marié et nous avons une petite fille. J’aime la vie dans sa globalité. Je ne veux pas être prisonnier du vélo car j’ai d’autres ambitions. Le vélo sera toujours présent dans ma vie. En pro, nous étions sous une espèce de bulle avec des contrats de deux ans. J’étais aussi parti de la maison plus de cent quarante jours par an. La notion d’argent n’a jamais guidé ma vie. Je veux donner simplement un nouveau sens à ma vie.

Courageux car un nouveau contrat de deux ans vous attendait?
Non, ce n’est pas courageux. C’est une chance d’arrêter jeune, de pouvoir faire des choses nouvelles. J’ai eu l’exemple de beaucoup de pros qui arrêtent car ils sont moins performants. Je suis parti du constat qu’il te reste ce que tu as vraiment construit autour. Un pro descendra un jour ou l’autre du train de la vie. J’ai juste choisi de descendre avant le terminus, sans devoir tirer le signal d’alarme.

Avez-vous peur de cette nouvelle vie?
Non car c’est moi qui ai pris la décision. Je sais ce que je veux faire. Il faut que cela se mette en place. J’aime le contact. J’en suis à dix-sept licences à mon club de Meaux. Je voudrais m’impliquer à l’ESC Meaux et trouver une place dans une mairie. J’ai beaucoup d’idées et j’aimerais les mettre en pratique.

Quels sont les souvenirs que vous emportez dans votre musette ?
Ma sélection aux championnats du monde en 2004 où j’étais en balance avec Moreau. Ma victoire à Bessègues en solitaire mais aussi celle obtenue à Lizy au championnat d’lle-de-France. Les victoires sont toutes belles chacune à son niveau. J’ai pris pour habitude de respecter tout le monde.

Quel petit plaisir allez-vous pouvoir vous offrir ?
(Amusé) Pouvoir faire le marché de Meaux, le samedi ,avec mon épouse et ma fille. Je n’ai jamais connu ce petit plaisir. Pour réussir sa vie, il faut savoir remplir toutes les cases et non pas une seule.

Pascal Pioppi
La Marne (2006-10-04)

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